Courcelles … Chaussy … Nous entrons dans une charcuterie. Il y a deux charcutières : la mère et la fille. Celle-ci est charmante. Imaginez une petite paysanne, blonde aux yeux bleus, proprette dans une simple robe de toile écrue protégée par un charmant tablier bleu. Son visage n’a jamais connu d’autre fard que le grand air. Elle est fraîche, aimable …
Nous nous installons sur un banc de pierre devant une maison, pour déjeuner. De vieilles gens viennent nous tenir compagnie et nous parlent de l’occupation allemande, de la déclaration de guerre … C’est un sujet qui leur tient à coeur …
La porte de la charcuterie s’ouvre. La mère charcutière en sort, suivie d’une jeune fille coiffée d’un infect chapeau jaune orné d’un ruban rouge, fagotée dans une robe de soie verte trop ample. C’est la petite charcutière qui était si gentille, seulement, voilà, elle est endimanchée…
Metz … Un peu avant d’y arriver, mon boyau arrière crève pour la nième fois. Nous n’avons plus de rechange. Il nus faut réparer. Nous nous installons devant la cathédrale, à la terrasse d’un café que nous transformons en atelier.
Je pense m’arrêter à Metz pour y passer la nuit, mais les hôtels sont pleins. e vais donc poursuivre la route et m’arrêter au prochain hôtel sur la route .
Gravelotte … La nuit tombe. Nous quêtons de l’eau à la porte d’une ferme à la sortie du bourg. Le patron vient nous ouvrir. Il nous répond en nous menaçant de lâcher les chiens, et, sans plus de gentillesses oratoires, nous claque le battant au nez …
Vionville … Nous pénétrons dans une auberge. Un dîner chaud et un verre de liqueur nous remettent les idées en place. Lorsque nous nous informons d’un endroit de campement possible, l’hôtesse s’exclame :
« Comment … vous n’allez pas coucher dehors par un temps pareil ! Je vus offre un lit pour passer la nuit … »
Elle nous conduit dans une vaste chambre et nous laisse nous débrouiller. C’est à peine si nous osons nous glisser dans des draps si blancs…
Nous ne sommes plus habitués à tant de luxe. Nous ne cessons de nous tourner et nous retourner sans trouver le sommeil. Les couvertures nous grattent et nous font suer à grosses gouttes. Bientôt, ne pouvant plus tenir, je m’en vais coucher à même le parquet et ne tarde pas à m’endormir …
13 Septembre 1937 : Page 4