2 Août 1937 – 5 Mai 2022 – Koblenz / Bacharach
2 Août 1937 – 5 Mai 2022 – Koblenz / Bacharach

2 Août 1937 – 5 Mai 2022 – Koblenz / Bacharach

49 km

Le matin, nous retrouvons Hilde et Vera en short comme lors de notre première rencontre.

Jacky veut changer un chèque-touriste de 50 RM. En attendant l’ouverture de la banque, nous visitons encore un peu la ville. Je mets 1,50 RM dans l’achat d’un coutelas que je fais choisir par Hilde.

Nous faisons nos emplettes à Boppart et nous installons au bord du Rhin pour déjeuner. Pat se surpasse dans la préparation d’un riz au curry et de beefsteacks car, nous avons trouvé des beefsteacks. Nous n’avons que de la margarine pour les faire cuire, mais ils sont malgré tout fort appétissants. Le radius fait des difficultés pour brûler l’essence synthétique dont on l’a garni.

Vera et Hilde suivent nos préparatifs d’un œil intéressé. Elles ont déballé leur déjeuner qui se compose de pain noir et de compote de pommes. Nous leur offrons de partager notre repas. Elles se font prier pour la forme puis se laissent faire une douce violence et acceptent. Elles seront quittes pour faire la vaisselle.

En jouant avec Hilde, je la pousse un peu brusquement. Elle entre dans le fleuve jusqu’aux genoux. Je lui offre une paire de chaussettes pour remplacer celles qui viennent de prendre le bain. Elle refuse très dignement.

Nos compagnes sont bien gentilles, mais elles roulent trop lentement, au gré de Pat et de Jacky qui tiennent compagnie à Vera. Je suis un peu en avant, au côté de Hilde qui me chante toutes les vieilles chansons allemandes, les Niebelungen. Comment voudriez-vous que je partage leur avis ? Elle me chante Roselein, Tannenbaum, die Zwei Grenadier, due Jäger von Lützov, Deutschland über alles, Orst Wesel Lied, Ich hatte ein gut Kamarad (interdit en Allemagne) et bien d’autres encore. L’ennui, c’est qu’elle insiste pour que je chante aussi quelque chose. On voit bien qu’elle ne sait pas à quoi elle s’expose. Je crois bien que je finis par m’exécuter et je crois même que personne ne s’est enfui et que le soleil a continué de briller sans qu’aucun nuage ne vint l’obscurcir.

Nous passons le rocher de la Lorelei. Ce fameux roc nous laisse un peu déçus. La vallée de la Moselle était mieux que la Rheinthal.

©Geneanet sous la licence : CC-BY-NC-SA 2.0 Creative Commons

Je suis tout à fait d’accord avec cette opinion. La vallée du Rhin et ses châteaux médiévaux a beau être classé au patrimoine de l’Unesco, la vallée de la Moselle est beaucoup plus jolie et plus riche.

Statue de la Lorelei

Des châteaux, il y en a à chaque village, et même au milieu du fleuve, mais je ne trouve pas la motivation pour en visiter un.

Burg Pfalzgrafenstein

Je traverse le Rhin peu après par un bac. Celui-ci venait juste de quitter le quai lorsque le capitaine, qui m’a vu arriver, a fait marche arrière pour me prendre 🙂

Lorsque nous arrivons à Bacharach, mes compagnons sont fatigués d’avoir roué si lentement et moi enchanté d’avoir entendu tant de vieux airs et de m’entendre si bien avec Hilde. Cette dernière nous quitte, toujours accompagnée de Vera, pour aller chercher refuge à l’A.J. Il est entendu qu’elles viennent nous voir à notre camp que nous voulons établir près du Rhin.

©Geneanet sous la licence : CC-BY-NC-SA 2.0 Creative Commons

C’est vrai que de loin, le village a l’air sympa, mais la réalité est toute autre : la voie ferrée double l’ancien mur d’enceinte à 10-15 mètres, et les tours ont été transformées en habitations. C’est d’autant plus triste qu’il se met à crachiner.

A la sortie d’une boutique où nous faisons des emplettes, nous sommes interpelés en français par un homme de vingt-cinq ans environ :

« Vous êtres français ? C’est ma femme qui sera contente de vous voir ! »

Il nous invite à entrer et à boire un verre dans un établissement où on ne sert que du lait et des crèmes. Il nous présente à sa femme, une Parisienne. Nous racontons encore comment nous sommes là et où nous allons. La femme s’amuse de nos barbes, de nos culottes courtes et de nos histoires, et tout cela se termine par une invitation à dîner. Pour camper, c’est très simple, en face de chez eux c’est, paraît-il l’endroit idéal.

Ils nous guident en dehors de l’agglomération jusqu’à leur habitation, puis nous indique l’emplacement d’un camp possible, entre une ligne de chemin de fer et le Rhin. Nous prenons un bain pour faire honneur à nos hôtes. Je crois même que l’un de nous parle de se raser. La proposition est repoussée avec horreur.

Vers dix-neuf heures, le mari vient nous chercher. Il nous explique qu’il a un jardin et qu’il essaie, mais en vain, d’y cultiver des radis.

La table est dressée sous un grand arbre dans le jardin. Seuls les vins du Rhin nous rappellent que nous ne sommes pas en France.

Après dîner, nous montons au salon pour causer un peu. Dehors, Hilde et Vera doivent nous chercher. Ici, tout est confortable, arrangé avec goût, plein de discrétion.

Notre hôte nous dit qu’il travaille dans une brasserie depuis trois ans qu’il a quitté la France. Nous parlons d’économie politique, critiquons le régime … On nous montre des vêtements de laine artificielle. Il est question de cartes de beurre, de manque de viande, des voitures populaires … Et puis tout à coup, le maître de maison commence une phrase comme celle-ci :

« Je suis un hitlérien fervent et un bon allemand, mais … »

Hitlérien fervent ! Bon Allemand ! … Et nous qui le prenions pour un Français et, par suite, nous sommes laissés aller à dire beaucoup plus de choses que nous ne l’eussions fait. Il en résulte un petit froid. Evidemment, nus ne lui avions pas demandé sa nationalité et il parlait si bien notre langue …

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