31 Juillet 1937 – 4 mai 2022 – Bernkastel / Alf
31 Juillet 1937 – 4 mai 2022 – Bernkastel / Alf

31 Juillet 1937 – 4 mai 2022 – Bernkastel / Alf

A notre départ de Paris, Pat avait dit :

« Vous verrez, ce n’est pas toujours drôle. Il fait rudement froid vers quatre heures du matin, même en plein été. »
C’est peut-être vrai, mais jusqu’à présent, nous ne nous en sommes pas encore aperçus.
Je vais chercher ma roue. On finit de la réparer avec des rayons de … fil de fer, tout simplement. Ils n’avaient pas de rayons adéquat, alors ils les ont fabriqués…

Il fait bien chaud, si chaud que nous avons supprimé la chemise pour rouler, ne gardant que la petite culotte courte. Nous dépassons une cycliste, un cycliste comme il y en a tant. Aussitôt, il accélère et fait de grands geste dans notre direction. Nous ne nous arrêtons pas pour si peu. Il nous rejoint après deux kilomètres de poursuite et nous tient un discours entrecoupé par le halètement de la course qu’il a dû fournir. Nous n’y comprenons rien, rien ou à peu près, à l’exception de quelques mots qui reviennent constamment, comme «  Polizei … Polizist … Hemde … verboten … heiss … »

Après mûre réflexion, nous croyons deviner qu’il est interdit de se promener le torse nu, même par les grosses chaleurs, sous peine d’amende. Es ist verboten …

Les temps ont bien changé !

Un peu avant Alf, nous doublons une troupe d’une trentaine de jeunes hitlériennes. Elles sont par trois avec serre-files, chef, etc … et marchent au pas. Elles sont vêtues d’une jupe noire, d’une espèce de blouse blanche avec un insigne sur le bras gauche.

A Alf, nous entrons dans une Weinstube. Les consommateurs ont vite vu que nous étions étrangers. L’un d’eux s’approche et essaie de baragouiner deux mots de français.Les autres se rapprochent. Nous leur parlons de ce que nous avons effectué et de ce qu’il nous reste à parcourir. Bientôt nous auditeurs nous questionnent au sujet de ces fameuses occupations d’usines qui sévissent en France, au sujet des fournitures d’armes et du passage des volontaires en Espagne. Nous nous récrions :

« In Frankreich, haben wir kein Streik. Die Zeitungen sagen dass, aber es ist ganz falsch… » et nous développons de notre mieux, sans nous soucier outre mesure des fautes de prononciation et de construction.

Les grèves ? C’est bien fini. Les volontaires en Espagne ? Il n’y en a jamais eu, ou si peu que cela revient au même. Par exemple, on y trouve des Allemands à en juger par le nombre de déserteurs de cette nationalité qui passent les Pyrénées (Hum !)

Cette photo est publiée sous la licence : CC-BY-NC-SA 2.0 Creative Commons

Un de nous auditeurs dit alors sentencieusement :

«  Krieg ist Kapital »

Jacky est ébloui par cette formule. Les yeux dans le vague, il répète :

«  Krieg ist Kapital »

Se lancerait-il dans la politique, lui qui n’en a jamais fait ? Il a l’air enchanté et répète :

«  Krieg ist Kapital »

Après quoi, il nous glisse doucement :

« Je le reservirai »

Mon vis-à-vis a fait la guerre en France, à Verdun (prononcez Fertoun). Il était à Fleury au même moment que mon père. Je le lui dis. Aussitôt, il se lève, me tend la main, et m’assure gravement :

«  Niemals Krieg mit Frankreich. Immer Freuden »

Tous les occupants de la Weinstube sont maintenant réunis autour de nous. Chacun nous montre ce qu’il croit pouvoir nous intéresser. Certains sortent des photographies faites en France au cours d’un voyage d’anciens combattants à Douaumont, d’autres des cartes postales. Il en est un qui me fait cadeau d’un insigne d’association vélocipédique. Il me donne aussi son adresse pour le cas où nous voudrions d’autres insignes (Anzeichen). D’autres l’imitent et nous fournissent nom et adresse …

Bien entendu, lorsque nous partons, il n’est pas question de régler nos consommations. En Allemagne, comme en France, il y a de braves gens. Ceci fait oublier cela. La Weinstube d’Alf nous fait oublier le restaurant de Trêves.

Nous dressons la tente un peu plus loin, entre la route et la Moselle, et l’installation commence …

J’ai cherché une Weinstube à Alf dont l’enseigne ressemblait à celle que mon père a dessinée. Je n’en ai pas trouvé. Je me suis donc arrêté à la terrasse d’un Hôtel/restaurant pour manger quelque chose, en l’occurrence une Flammekuchen. J’ai essayé de savoir si c’était un plat typique de la région ; la seule réponse que j’ai obtenue est que quasiment toutes les Weinstube de la régions en servaient.

3 commentaires

  1. Je n’avais jamais lu ce récit de voyage de Papa. Je peux comprendre que ça n’intéresse pas forcément tout le monde mais moi, je le trouve passionnant : humour mais aussi historiquement, ça semble fou. Ces 3 jeunes français qui voyagent en Allemagne au milieu de jeunes hitlériens….

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